Douarnenez 19 septembre 1982
Je dois m’absenter et laisser les
enfants seuls pendant une semaine, comme
chaque fois j’angoisse. Les scénarios
catastrophes défilent…
Est-ce que les choses sont déterminées ?
Sommes nous victimes d’un destin ?
Ce n’est pas très satisfaisant, échapper
au possible prévisions ? Ou pas de
destinée du tout, mais des atouts dans
les mains que nous manipulons avec plus
ou moins de bonheur !
Peut être influons nous par nos pensées
sur le cours des évènements. Le
pessimisme attire l’insuccès, la
catastrophe ! …
En tout cas je n’aime pas les pensées
morbides qui m’animent.
Les enfants ne sont plus des bébés et
appeler à vivre de plus en plus
indépendants ! Pourtant l’âge
n’intervient pas dans l’angoisse. Bref,
mon imagination suit des cours pas
rigolos lorsque je la laisse divaguer !
Peut être suis-je sensible à l’équinoxe
? Les grandes marées suivent les
mouvements cosmiques auxquels nous
sommes aussi soumis je pense, influent
sur nos comportements nos humeurs.
Je me sens toute petite ma foi, et ce
qui peut m’arriver ne peut être que
dérisoire à l’échelle du cosmos ! C’est
cela sans doute qui ne me rend pas très
optimiste, l’insignifiance de mes
prétentions à vouloir ou ne pas vouloir
certaines choses, pouvoir fragile ou
tout peut basculer dans le néant sans
mon assentiment ou une justification
quelconque !
La seule force réelle, c’est moi, qui
justifie ma vie par la volonté que j’ai
de son existence. Je n’existe que par
rapport à la force de vie que je suis
capable d’opposer à l’univers. Il n’y a
pas de reconnaissance universelle, il y
a ma propre reconnaissance que j’impose
à l’univers. L’univers il en a rien à
foutre de ma pomme, il n’y a que moi que
ça intéresse !
Les mécanismes qui donnent un sens à
notre existence me paraissent très
complexes. Nous sommes régis en partie
par l’inconscient, le reste c’est le
tâtonnement le plus complet, nous
n’avons aucune domination sur cet art,
tout au plus des intuitions, des
prémonitions. On existe empiriquement !
Et on fait empiriquement le nécessaire
pour exister, avec plus ou moins de
génie, mais toujours dans d’étroites
limites. Le bulldozer univers finit
toujours par nous écrabouiller
aveuglément !
Comment concilier notre insignifiance
cosmique et le sentiment de notre
existence, de notre puissance de vie que
l’on sait momentanée, mais qui est en
même temps notre infini ?
Nos données sont circonstanciées et
semblent s’intégrer dans une époque, qui
n’à pas plus de signification que notre
existence.
En quoi la disparition d’une étoile peut
elle troubler profondément les
mouvements du cosmos ? Alors la mienne
ou celle de ceux que j’aime ? Ca fait
chier de penser au peu d’importance que
ça peut avoir !
Lorsque j’entend que des milliers de
gens sont tués, massacrés au cours de
luttes dont l’importance s’effrite au
cours des siècles ça me laisse quoi !
Parmi ces victimes certaines ont choisi
de se battre, de faire métier de leur
mort et de celle des autres ! Mais un
grand nombre est rayé de la carte vie,
par hasard, par un mauvais concours de
circonstance ; il n’y a là aucun
déterminisme de leur part, simplement
une négation aveugle et inéluctable de
leur vie ! C’est horrible ! Complètement
humiliant d’être mis en position de nom
choix ! On passe à coté d’une voiture
piégée et hop ! C’est fini ! La force
d’existence n’a pas eu le temps de dire
ouf ! Elle n’a aucun pouvoir, le néant
soudain, la destinée disent certains !
On admet très bien cette inconséquence
en règle général. Est-ce vraiment
admissible ? La révolte est-elle vaine ?
Je ne me sens pas très résignée, la loi
de la négation est en désaccord avec
notre conscience puisque « Je pense donc
je suis » et pas n’importe quoi,
n’importe comment !
Y a-t-il universellement reconnaissance
de notre pensée ?
Si c’est comme si elle n’avait pas été,
pourquoi est-elle ?
Si notre signification est niée
universellement à quoi sert une
signification momentanée, C’est du néant
! On ne peut qu’avoir conscience de son
néant, de sa négation ! On oppose son
instinct de conservation et ses
angoisses. Toujours dérision, car l’un
et l’autre ni peuvent mais !
Faire le tour de son incurie ne modifie
en rien le problème de son existence, de
ses désirs de ses choix, et ne modifie
pas l’indifférence cosmique !
Est-ce que notre vie à simplement pour
but de donner momentanément une
signification à d’autres vies. Faire
passer la pilule ! Tu n’es rien mais tu
existes et tu dois transmettre
l’existence de rien ! C’est important.
Le rien cosmique parait être à l’origine
de notre vie !!!
« Tu es poussière, et tu retourneras en
poussière » (Cette parabole me revient
parce que Nath y fait référence dans une
dissert de philo récemment) On a inventé
des personnages supra-universels pour
faire passer tout ça, qui se permettent
de dire tranquillement « Tu est de la
merde, mais ne désespère pas, peut être
que si tout va bien pour toi il y aura
une suite vachement surprenante ou tu
seras important, pas foutu du tout,
tu tutoieras les anges ! Redérision ! La
parabole dément ce futur paradisiaque.
Tu n'es rien, tu vas vers le rien,
t’engendre le rien pour un futur de
rien, ou tu n’entres pas en compte, ou
ton intervention est rien !!!
Alors ce n’est pas sur un plan cosmique,
universel qu’il faut se situer, mais sur
un plan complètement rétréci momentané,
où le temps important est celui ou tu es
minime, mais essentiel. Un quotidien
tripal où ta force de vie s’exerce dans
ces limites en t’offrant les sensations
que tu es capable de ressentir. Alors
ressentons fort, intensément les
turpitudes et la jouissance en sachant
bien qu’elles occupent ton horizon
complètement limité et incertain ! C’est
ton tout, le reste ne tient pas compte
de toi !
Tu es condamnée à tenir ce rôle mineur
ou ton libre arbitre est soumis à
l’arbitraire, et vogue la galère !!!
Sophie
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